C’est en entendant un psychiatre parler de la maladie d'Alzheimer que j’ai été attirée par le sujet.
Je me suis dit: “Et pourquoi pas pour moi ?“
Après m’être renseignée et avoir longtemps hésité, j’ai commandé un petit bonhomme et là, miracle, j’ai ressenti un apaisement total: cette poupée m’apportait sérénité, et joie. En quelques jours, finies les crises d’angoisses et de tachycardie.
J’ai aussi retrouvé des gestes maternels oubliés depuis 20 ans. Je suis consciente que les bouts de chou sont des poupées et non des vrais bébés
Au fil des jours, je suis devenue Doc Reborn, je redonne aux reborn ratés ou abîmés une nouvelle vie.
Suite à une enquête de ma part, j’ai constaté que le sujet aux USA n’avait rien de tabou mais que la France voyait d’un mauvais œil les bébés reborn par manque d’information.
De 13 à 85 ans, les personnes dans les groupes, femmes et hommes, sont toutes équilibrées, épanouies et heureuses d’avoir découvert cette passion.
Sans honte et sans crainte d’être jugée, je dis ouvertement que mes babies ont changé ma vie et que j’adore jouer à la poupée.
Je suis fière de vous les présenter.
L'origine du reborning est mal connue, mais il est communément admis que ses fondations ont été posées par l'industrie cinématographique américaine.
Il y a plusieurs décennies, lorsqu'ils ont compris qu'obtenir une prise réussie avec un véritable bébé était une entreprise bien trop ardue pour être rentable, les pontes des studios Warner ont décidé de faire appel à des poupées ultra-réalistes.
Finies les crises de larmes impromptues qui ralentissent les tournages ! La légende raconte que les personnes chargées de sculpter et de peindre ces accessoires peu communs ont trouvé la tâche si agréable qu'elles ont décidé de la poursuivre à domicile, pour le plaisir. En utilisant leur savoir-faire pour customiser des poupons en plastique vendus dans le commerce, ces pionniers anonymes auraient donné naissance aux tout premiers bébés reborn vers la fin des années 80.
Amorcé aux États-Unis, le mouvement reborn s'est peu-à-peu propagé dans le monde entier: des créateurs de poupées se sont lancés en Angleterre, en Australie, au Canada, Ces artistes précurseurs ont permis à la communauté du reborning de grandir en petits groupes isolés tout au long des années 90.
Au début des années 2000, la popularité du web a permis d'accélérer cette croissance et de rapprocher les différents cercles de fans. La première convention de reborners s'est tenue du 21 au 23 janvier 2005 à Orlando, en Floride, à l'initiative de l'association de créateurs International Reborn Doll Artists. Les premières années du 21e siècle ont également vu les bébés reborn s'introduire dans la presse, des magazines spécialisés comme Doll Reader aux publications généralistes.
La grande majorité des bébés reborn sont conçus à partir de « kits » qui contiennent la tête, les membres et parfois le torse du futur faux bébé. Les moules dont sont issues ces pièces ont été sculptés par des artistes prisés.
Depuis peu, les créateurs de reborn peuvent aussi commander des ensembles de pièces imprimées en 3D à partir d'un scan de bébé bien réel, les realborn. Les prix varient beaucoup selon les éléments fournis, la qualité de la sculpture, le matériau utilisé et la notoriété du créateur. Malgré les prix impressionnants, ces pièces ne sont que des supports.
Leur transformation en reborn dignes de ce nom dépend d'un processus qui requiert une patience et une minutie de technicien en effets spéciaux.
La première étape de ce processus est la peinture.
Pour obtenir la couleur et le grain d'une véritable peau de bébé, les reborners utilisent une vaste gamme de couleurs acryliques, d'épaississants, de solvants et de vernis qu'ils mélangent et appliquent à leur façon sur les pièces vierges.
Les artistes reproduisent les rougeurs, les petites veines et même les minuscules boutons blancs qui s'installent parfois sur le visage des nouveaux-nés.
L'ensemble du procédé nécessite de nombreux outils: des brosses et des pinceaux en tout genre, des éponges, des applicateurs de maquillage en mousse à customiser soi-même.
Après chaque couche d'acrylique, les pigments sont fixés sur les pièces de la poupée grâce à un bref passage au four.
Entre 15 et 30 de ces cycles peinture-cuisson sont nécessaires pour transformer un morceau de plastique en peau réaliste, tout en nuances et en marbrures. Une opération qui s'échelonne parfois sur plusieurs semaines.
La deuxième étape majeure du reborning, le rooting, réclame elle aussi une grande patience.
Pendant cette phase, l'artiste implante de la laine mohair sur le crâne de sa poupée à l'aide d'un poinçon spécial.
Plus la pointe de l'aiguille utilisée est fine, plus la chevelure sera naturelle. Le but est d'enraciner une fibre à chaque perforation, pas plus.
Une fois fixée à l'intérieur de la tête de la poupée grâce à une couche de colle, la tignasse artificielle pourra être lavée au shampoing et coiffée, toujours délicatement.
Au moins douze heures de travail sont nécessaires pour obtenir une chevelure réaliste.
La dernière phase du reborning consiste à rembourrer, lester puis assembler les différentes pièces du kit.
Les membres, la tête et le tronc sont connectés à l'aide de serre-câbles et remplis d'un mélange de matériaux qui permet à la poupée d'imiter au mieux un vrai bébé : du coton, de la laine ou des fibres de polyester pour la souplesse, des petits sacs remplis de sable, de poudre de plastique ou de micro-billes de verre pour le poids.
Ce qu'il advient de la poupée achevée dépend de la volonté de son créateur.
Certaines seront conservées, d'autres mises sur le marché à des tarifs très variables.
En général, les poupées les plus réalistes sont vendues pour plusieurs milliers d'euros, les plus banales pour quelques centaines.
La transaction est appelée « adoption ».
La grande majorité des amateurs de reborning sont des femmes. Toutes ne vivent pas leur passion de la même manière.
La plupart sont de véritables puristes, de celles qui enferment leurs acquisitions dans des vitrines, à l'abri de la poussière et des mains curieuses : ce sont des pièces de collection, pour certaines même des œuvres d'art.
D'autres sont plus tactiles avec leurs poupons. Elles les mettent en présentation avec des objets de la petite enfance. Elles vont les changer, les habiller…
Elles vont les toucher un peu plus. Ce sont des adultes qui jouent à la poupée. Ça nous paraît tellement évident qu'on ne se pose même pas la question !
C'est comme un homme qui collectionne des voitures ou des petits soldats. Si ces deux types de fans semblent constituer l'essentiel de la communauté du reborning, ils sont souvent éclipsés par ceux pour lesquels ces poupées sont bien plus que des jouets.
Lorsque les reborn apparaissent dans les médias, c'est presque toujours aux côtés de ces fans hardcore. Les personnes traumatisées par un drame ne sont pas les seules à trouver du réconfort en câlinant un reborn. Ces bébés peuvent être adoptés par des personnes gravement handicapées, par des autistes, ou des bipolaires, qui ne cessent de vanter les bienfaits de ces créations.
Je suis ravie de voir que ça peut soulager leur mal-être, quel qu'il soit.
Dans certaines maisons de retraites médicalisées du Royaume-Uni, les poupons font des merveilles auprès des patients atteints de démence ou de la maladie d'Alzheimer.
Ils peuvent aussi faire le bonheur des personnes âgées qui ne sont plus en mesure de prendre soin d'un animal de compagnie.
En dépit de tous ces points positifs, un bébé reborn reste un objet étrange pour la plupart des non-initiés.
Parce qu'ils sont parfois associés à des événements tragiques et des traumatisme. Parce qu'un adulte qui joue à la poupée, c'est incongru. En bien des points, les reborn semblent anormaux.
Mais est-ce que l'anormalité, c'est forcément ne pas être heureux ?